Journal d’un maraudeur : Avec la patience de Zacharie et comme Simon de Cyrène

stvincent Journal d’un vieux maraudeur 4

 

Nous avons terminé notre maraude au parking du sous-sol des Invalides où loge notre ami Patrick. Il a été hospitalisé récemment à cause d’une tentative de suicide. Il s’est immolé après avoir bu trop d’alcool et s’est brûlé au troisième degré. Le médecin lui a dit qu’il faudra beaucoup de temps pour pouvoir marcher de nouveau. L’opération s’est bien passée mais ses muscles sont devenus si  vulnérables qu’il risque de faire de l’ischémie. Il a déjà montré à Jacques les trous horribles dans les muscles de ses jambes à cause de pansements trop souvent défaits par impatience. Mais il reste apparemment insouciant. Ce n’était pas sa première tentative de suicide. Nous sommes attristés de cette nouvelle et Jacques l’a visité plusieurs fois à l’hôpital depuis deux semaines.

A notre surprise, il était là nous attendant devant sa tente au parking. Il s’est enfui de l’hôpital juste pour saluer ses amis sdf du parking et aussi pour nous voir. Il a voulu s’occuper de nous les maraudeurs plutôt que de rester isolé sur le lit confortable de l’hôpital. Il a risqué une infection grave pour cela, vu  l’état d’hygiène de sa tente. Il est revenu un peu symboliquement comme  Jésus ressuscité pour visiter ses disciples après sa mort. C’est une interprétation exagérée mais c’est vrai que nous, ses amis, nous l’avons  un peu vu comme Jésus ressuscité.

Chaque semaine, il nous posait ces questions : « Comment vas-tu? Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui? » Nous  lui faisions une petite confession hebdomadaire  collective. Il s’intéressait à nous, à nos soucis quotidiens en essayant de nous donner toujours de l’espoir en disant : « Continue comme cela. Qui sait? cela va porter des fruits un jour. Continue. N’abandonne pas. » C’est pour cela que nous l’attendions. Et, ce jour-là, il était présent pour continuer à nous donner de l’espoir.

Il y a eu un film documentaire sur lui et un  écrivain connu a publié un livre de témoignage sur sa vie de sdf. L’ histoire de sa vie est vraiment originale si on y réfléchit bien. Il a une fille de vingt ans, très belle, toujours bien habillée comme un  mannequin. Elle n’a pas honte ni peur de venir voir son père sdf. Elle vit avec sa famille dans le sud de la France. Patrick a voulu vivre la vie de sdf. C’était son choix.

Nous ne comprenons pas toujours pourquoi. Mais nous commençons à comprendre maintenant sa vie après tant d’ années de maraude. L’essentiel pour l’homme, c’est la foi et l’amour. Les vraies valeurs de la vie, on ne les trouve pas toujours chez les bourgeois aisés. On les trouve davantage ,plus fortes et présentes chez les sdf. Ils sont comme nous, certainement beaucoup plus hommes que nous ne le sommes. Jésus était sdf parmi les sdf. Jésus nous ressemble par son image sdf de sa naissance jusqu’à sa mort. Sa gloire et son triomphe n’étaient pas pour la vie sur la terre mais celle des cieux où se trouve Dieu le Père.

Nous sommes tous une famille, sans différence de  classe sociale, d’ âge, de sexe comme chez les sdf. Avec eux la présence humaine prend tout son sens. C’ est presque une dimension spirituelle si on y est sensible. Cela devait être la même atmosphère quand Jésus a vécu avec ses disciples dans la première communauté chrétienne. Jésus y était exactement comme Patrick en apparence, exposé à tous les dangers du monde de la rue. Il a été finalement emprisonné et jugé par les classes dirigeantes de la société. Il a été torturé et mis à mort de la manière la plus atroce car il ne leur plaisait pas. C’est ce qui se passe encore aujourd’hui.

Les sans abris sont négligés, abandonnés sous les regards indifférents dans la rue parce que leur apparence ne plaît pas aux gens. Leur vie et leur vérité dérangent la société. Rien n’a changé depuis l’époque de Jésus. La seule chose qui a changé semble être la quantité de la richesse chez les riches. Les pauvres sont toujours pauvres et rien n’ a changé pour eux.

L’orgueil des hommes n’a jamais disparu. Nous avons besoin de Jésus pour surmonter cet orgueil, le péché originel, qui a engendré tous les maux du monde à travers nos histoires humaines. Jésus et sa vérité peuvent nous sauver car cela ne vient pas de l’homme.

Je partirai encore à la maraude la semaine prochaine comme Benoît, ce vieux maraudeur, avec la patience de Zacharie, ou encore comme Simon de Cyrène, cet homme fort et bon qui a aidé Jésus à porter sa croix en le remplaçant un petit moment, dans son chemin de croix. Les gens qui abandonnent leur orgueil sauveront finalement la fraternité du monde. C’est avec cette fraternité que je vais continuer à vivre, dans la foi, en suivant la vie de Jésus. Amen.

– Eden J.W. Park 06/01/2016

Important : Tous les noms sont fictifs par respect des sans abris et aussi par discrétion pour les maraudeurs.

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